Premiers tours de roue sur l’île intense
Quand on évoque l’île de la Réunion, on pense souvent plages paradisiaques, volcan en activité et nature luxuriante. Mais ce petit bout de France perdu dans l’Océan Indien, c’est surtout une terre de contrastes, un terrain de jeu idéal pour les amateurs de road trips et d’aventures hors des sentiers battus. Et c’est exactement ce que je suis venu chercher lors de ce périple autour de l’île : un itinéraire sensoriel, vibrant, entre sommets embrumés, forêts primaires et effluves sucrés de vanille. Vous me suivez ?
Préparer son road trip : conseils d’un baroudeur
Avant de démarrer les moteurs, un petit mot logistique. Louer une voiture est indispensable si vous voulez explorer l’île en liberté. Les routes sont bien entretenues, mais attention : certains secteurs sont très sinueux, surtout dans les cirques montagneux. Prévoyez un véhicule avec un bon moteur et, si vous aimez les coins reculés, privilégiez un SUV léger.
Question climat, la Réunion est généreuse… en pluie, surtout dans les Hauts. Mieux vaut partir entre mai et novembre pour éviter les grosses averses. Et derniers détails avant le départ : crème solaire, anti-moustique, polaire pour les nuits en altitude, et votre meilleur appareil photo – ça va mitrailler sévère.
Sur la route des cirques : Salazie, Mafate et Cilaos
Si la Réunion était un joyau, les cirques en seraient les éclats les plus purs. Ces amphithéâtres naturels sculptés par l’érosion rayonnent autour du Piton des Neiges, chacun avec sa personnalité.
Salazie se dévoile le premier, après une route verdoyante depuis Saint-André. C’est une explosion végétale, un bain de fraîcheur. Les cascades y pleuvent littéralement, et le voile de la Mariée, majestueuse chute d’eau, semble flotter dans l’air comme un rêve. Hell-Bourg, village classé parmi les plus beaux de France, m’a offert un plongeon temporel dans l’époque créole, entre cases en bois colorées et senteurs de géranium sauvage.
Mafate, lui, ne se livre qu’aux mollets des randonneurs : aucun accès routier. Alors, sac sur le dos, j’ai laissé ma voiture pour deux jours d’itinérance magique. À la lueur du matin, les nuages s’évaporaient lentement, révélant des paysages à couper le souffle. Ici, le temps prend une autre dimension, et chaque rencontre avec un habitant semble sortir d’un conte. Authentique, brut, silencieux.
Cilaos, quant à lui, est le cirque le plus accessible en voiture… si on ne compte pas les 400 virages (authentiques chiffres !) qui y mènent. Mais une fois là-haut, quelle récompense ! Baigné de lumière, le cirque propose des sources thermales, des randonnées superbes (dont le départ du sentier vers le Piton des Neiges) et… des lentilles. Oui, les fameuses lentilles de Cilaos, petites perles noires cultivées à flanc de montagne – suaves, fondantes, avec un carri cabri, c’est un pur bonheur.
Face au feu : le rendez-vous avec le Piton de la Fournaise
Impossible de quitter l’île sans passer par ce monstre vivant. Le Piton de la Fournaise, un des volcans les plus actifs au monde, est un incontournable — pas uniquement pour les férus de géologie. À partir de la Plaine des Cafres, la Route du Volcan traverse une plaine lunaire, Plaine des Sables, qui place illico l’ambiance. Le paysage ? Mars. L’atmosphère ? Silencieuse, quasi mystique.
À pied depuis le Pas de Bellecombe, j’ai entamé la rando vers l’enclos Fouqué. L’ascension du cratère principal ne présente pas de difficulté technique, mais elle reste exigeante : 5 heures de marche sur des scories noires, sous un soleil qui cogne dur. Mais là-haut… quelle claque ! Le vide, les vapeurs, la roche rougeoyante, une énergie tellurique qui vous rappelle que la terre ici n’a jamais cessé de trembler. J’ai croisé des voyageurs silencieux, presque respectueux. Comme si le volcan imposait sa propre liturgie.
Tout un monde de saveurs : de la vanille à la table réunionnaise
Après la chaleur du volcan, place à celle – tout aussi envoûtante – des épices et des marmites réunionnaises. Pour voisiner avec la vanille, direction la plantation Roulof à Sainte-Rose, loin de la foule. Ici, la vanille est choyée, pollinisée à la main fleur par fleur, puis séchée pendant des mois. Le parfum est capiteux, suave, presque enivrant. En discutant avec Daniel, guide passionné et fils de vanilliers, j’ai compris à quel point chaque gousse raconte une histoire de patience, de climat et de passion.
Et pour les papilles ? Oubliez les pâles imitations. À la Réunion, la cuisine est un carrefour d’influences : créole, asiatique, indienne, africaine. À chaque table, c’est un tsunami de saveurs. Rougail saucisse, cari poisson, bouchons vapeur, samoussas frits à la volée sur les marchés… Le tout accompagné d’un riz parfumé et de grains (lentilles, pois)… Le ventre voyage autant que les yeux.
Dormir au plus près des étoiles (ou des vagues)
L’hébergement à la Réunion offre son lot de surprises, et j’ai alterné gîtes à flanc de montagne et cases en bois les pieds dans l’eau. Voici quelques pépites dénichées au fil du périple :
- Le Ti Kaz Léo, à Cilaos : perchée au cœur des montagnes, une case créole douillette avec vue sur le Piton des Neiges et un petit déjeuner maison généreux comme un cari de grand-mère.
- Lodge Roche Tamarin, à La Possession : on dort dans des lodges boisés au milieu d’une végétation luxuriante, avec des jacuzzi en terrasse… et des chiens chauffeurs de jacuzzi (véridique !).
- Cases rurales chez l’habitant à Hell-Bourg ou à La Plaine-des-Palmistes : accueilli comme un cousin perdu de retour au pays, j’ai partagé rhum arrangé, anecdotes de montagne et couchers de soleil qui laissent un goût de reviens-y.
Mon conseil ? Variez les styles ! Les hébergements à taille humaine permettent de discuter, d’échanger des récits, de s’imprégner de l’alma réunionnaise. Et bonus éthique : vous soutenez une économie locale durable et familiale.
Voyager autrement : écotourisme et respect du territoire
La Réunion n’est pas un parc d’attraction tropical, c’est une île habitée, vivante, parfois fragile. Voyager ici demande un peu plus de conscience et un vrai respect du rythme créole. Chaque sentier, chaque carbet, chaque forêt mérite l’attention comme un temple. J’ai vu trop de randonneurs laisser derrière eux papiers gras ou mégots… et c’est un crève-cœur. Alors, s’il vous plaît, adoptez les bons réflexes :
- Emportez toujours vos déchets, même biodégradables, surtout dans les cirques non accessibles en voiture.
- Préférez les hébergements ou prestataires engagés dans une démarche éco (labels type Gîtes de France – Écogîte, ou charte qualité tourisme).
- Consommez local : fruits, artisanat, plats, rhum (OK, avec modération)… Vous valorisez les circuits courts, et croyez-moi, les petites échoppes ont bien plus de charme que les chaînes de supermarché.
L’écotourisme ici, ce n’est pas un gadget. C’est une nécessité pour continuer à voyager sans abîmer.
L’appel du retour
Je pourrais continuer longtemps : vous raconter le lever de soleil depuis le Maïdo, les plages noires de l’ouest, les marchés colorés de Saint-Paul, ou cet arc-en-ciel aperçu entre deux falaises pendant l’ascension du Cap Noir. Mais il faut bien refermer le carnet. Ou plutôt, vous laisser rallumer le moteur et tracer votre propre itinéraire sur l’île intense.
Car la Réunion n’est pas une destination qu’on coche sur une carte. C’est une histoire qu’on vit à chaque virage, une aventure qui se mérite, mais qui en échange vous nourrit comme peu d’endroits en ce monde. Et oui, le patchouli que j’ai acheté à l’aéroport embaume encore mon sac… Preuve que certaines îles ne vous lâchent jamais tout à fait.
