Pourquoi le Groenland ?
Parfois, l’appel du froid est plus fort que celui des cocotiers. Après avoir foulé les sables rouges du désert de Merzouga et m’être enivré des ruelles de Kathmandu, j’avais envie d’espace. De silence. D’un voyage brut, presque primitif. Et le Groenland, avec ses icebergs à la dérive, ses fjords infinis et ses villages nichés entre mer glaciale et montagnes, cochait toutes les cases.
Ce n’est pas une destination qui vous saute aux yeux dans les catalogues d’agences. Pourtant, ce territoire autonome danois est un joyau brut, où les décors polaires font battre le cœur plus fort. Et croyez-moi, il vous en faudra, du cœur, pour affronter sa rudesse… et tomber amoureux de sa quiétude.
Préparatifs givrés : ce qu’il faut savoir avant de partir
Aller au Groenland, ça se mérite. Déjà, il faut savoir que les vols sont peu nombreux et souvent indirects. La grande majorité des voyageurs passent par Reykjavik (Islande) ou Copenhague. Pour ma part, j’ai opté pour Reykjavik – une parfaite excuse pour y faire une escale de quelques jours.
Une fois sur place, oubliez les routes : ici, pas d’autostrade entre les villages. On voyage à pied, en bateau, ou… en avion ! J’ai donc choisi un circuit semi-organisé, mixant kayak, randos, campement et hébergement chez l’habitant. L’idéal pour une immersion sans filtre dans ce monde glacé.
Petit conseil de backpacker : équipez-vous comme si vous alliez sur la Lune. Veste coupe-vent, sous-couches thermiques, bonnet, gants, chaussettes en laine mérinos… Le vent groenlandais ne plaisante pas.
Arrivée à Ilulissat : première claque visuelle
Ilulissat, c’est la carte postale du Groenland : un village bordé de maisons rouge vif, jaune, verte, bleue… posées comme des légos sur une côte déchiquetée par les glaces. En arrivant, on est frappé par deux choses : le silence absolu (même les chiens de traîneau semblent garder leur souffle) et la lumière incroyable. Les couleurs éclatent sous le ciel arctique comme nulle part ailleurs.
La baie est classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, et pour cause : c’est ici que le glacier Jakobshavn crache l’un des plus gros flux d’icebergs de tout l’hémisphère nord. J’ai passé des heures à les observer dériver depuis un promontoire. Certains sont grands comme des immeubles. On entend parfois un craquement sourd, suivi d’un éclat d’écume. Fascinant. Hypnotisant.
Balade en kayak entre les géants de glace
Mon moment préféré ? Sans hésiter, la sortie en kayak parmi les icebergs. Enfilez votre combinaison étanche, glissez doucement sur l’eau gelée, puis laissez-vous happer par l’apaisement profond qui règne là. Le silence devient matière. À peine un bruissement quand une colonie de phoques pointe le museau.
Une fois, un frisson m’a parcouru l’échine : un iceberg s’est retourné à trente mètres de mon embarcation. Une mini vague a secoué notre groupe, les guides sont restés zen, mais sur le coup… j’ai revu défiler ma to-do list non cochée. Immersion totale, adrénaline comprise.
Rando sur la banquise : la blancheur à perte de vue
Les balades à pied sont une autre manière d’entrer en connexion avec la nature groenlandaise. J’ai fait une randonnée de deux jours vers le glacier Eqi, avec bivouac sous la tente. Imaginez planter votre campement à la lisière d’un mur de glace de 200 mètres de haut… et entendre ses grondements pendant la nuit, comme une respiration venue d’un autre temps.
Le sentier vous mène à travers des étendues lunaires, entre roc et lichen. Parfois, on croise des lièvres arctiques, ou les empreintes d’un renard polaire. Les rencontres sont rares, mais chaque instant semble suspendu.
Nuit chez l’habitant à Oqaatsut
Après tant de nature brute, j’ai fait escale à Oqaatsut, un minuscule village de pêcheurs accessible uniquement par bateau. Ici vivent une trentaine d’âmes, coupées du monde dix mois par an. Eddie, mon hôte, m’a accueilli dans sa maison rouge à toit noir avec une chaleur toute nordique : franche, simple, sincère.
On a partagé une soupe chaude à base de flétan, parlé climat, pêche, et même échangé quelques fous rires autour d’une bouteille d’aquavit. Ces moments là, c’est pour eux qu’on voyage aussi. Quand la connexion humaine devient aussi rare et précieuse qu’un coucher de soleil sur les glaces.
Respect de l’environnement : un impératif en Arctique
Le Groenland est fragile. Très fragile. Le réchauffement climatique y est perceptible à vue d’œil, avec des conséquences directes sur la fonte des glaces et la faune locale. En tant que voyageur, il devient impératif de respecter ce territoire : limiter ses déchets, composter quand possible, utiliser des savons biodégradables, éviter de perturber les animaux…
Un rayon de soleil, c’est parfois quatre saisons en une journée ici. Oui il fait froid, mais les glaciers fondent. Ce paradoxe vous prend aux tripes. Et il vous pousse à réfléchir autrement. Voyager ici, c’est aussi devenir témoin.
Les indispensables à glisser dans son sac
- Une bonne paire de bottes imperméables et chaudes
- Des couches thermiques (vive la laine mérinos !) pour gérer les variations de température
- Des lunettes de soleil efficaces – la réverbération est dingue
- Un power bank (pas de prise dans le kayak, étonnamment)
- Une gourde filtrante pour limiter les bouteilles plastiques
- Un carnet de voyage (et des stylos qui écrivent même par -5°C !)
Meilleure période pour partir
La haute saison s’étend de juin à septembre. C’est là que vous profiterez du jour quasi permanent, d’un climat relativement clément (entre 5°C et 15°C) et d’activités variées comme le kayak, la randonnée et les sorties en bateau. Certains préfèrent y aller en hiver pour vivre l’ambiance extrême et les aurores boréales, mais on parle alors d’un autre voyage, réservé aux plus endurcis (et bien équipés !).
Infos pratiques pour organiser son circuit
- Visa : Pas nécessaire pour les citoyens de l’UE pour des séjours de moins de 90 jours.
- Devise : Couronne danoise (DKK)
- Langues parlées : Groenlandais et danois, mais l’anglais est assez répandu.
- Réseau téléphonique : Très limité. Anticipez un bon vieux mode “hors ligne”.
Côté budgets, c’est un voyage plutôt coûteux, notamment pour les transports intérieurs. Mais les paysages que vous découvrez ici ne ressemblent à rien d’autre. Et ça, ça n’a pas de prix.
Et alors, le Groenland ?
Le Groenland, c’est cette sensation d’être minuscule et majestueux à la fois. Minuscule face à la nature, à sa puissance, à son mutisme. Majestueux parce que rare sont les endroits qui vous imposent autant de respect.
Chaque iceberg croisé raconte une histoire millénaire. Chaque village traversé vous parle d’un mode de vie hors du temps. Et chaque respiration, inspirée dans cet air polaire hyper pur, vous laisse penser que peut-être, quelque part entre le tumulte du monde et le silence des banquises, on touche à l’essence même du voyage.
Alors si vous cherchez à sortir des sentiers battus, à vivre un vrai tête-à-tête avec la nature, et à remettre un peu de poésie glacée dans votre bouillonnement quotidien… Le Groenland vous attend au bout de la banquise.
